Mais que peut bien être le
questionnaire de Proust, beaucoup d’entre vous le savent, mais il est fort
possible que d’autres l’ignorent, pour cette même raison, je me permettrais de
faire un petit rappel avant de rentrer dans le vif du sujet.
Proust découvre ce test à la fin du
XIXe siècle, alors qu'il est encore adolescent. Ce jeu anglais datant au moins
des années 1860 était nommé Confessions. Celui-ci figure dans un album en
anglais de sa camarade Antoinette, fille du futur président Félix Faure, dont
le titre original est « An Album to Record Thoughts, Feelings,
&c » (un album pour garder pensées, sentiments, etc.). À cette
époque, ce genre de jeu est en vogue ; la mode en vient
d’Angleterre : les questionnés peuvent y dévoiler leurs goûts et leurs
aspirations.
Marie Charrel est journaliste au Monde, où elle suit l’économie européenne, et écrivain.
Après «Une
fois ne compte pas» et «L'Enfant
tombée des rêves», parus
chez Plon et Pocket, elle poursuit avec délicatesse et malice l'exploration des
secrets de famille, thème qui lui est cher, avec «Les
enfants indociles», son
troisième roman.
Quel est votre principal trait de caractère ?
L’obsession pour le travail et la
rêverie. Les deux faces d’une même pièce chez moi.
La qualité que vous préférez chez un homme ?
Son humour. Son courage. Sa
modestie
La qualité que vous préférez chez une femme ?
Son humour. Son courage. Sa modestie.
Ce que vous appréciez le plus chez vos amis ?
Leur bienveillance et leur
honnêteté. Leur folie.
Quel est votre occupation préférée ?
L’écriture, d’abord. Etre
transportée par la magie d’un bon film, livre, concert, ensuite.
Quel est votre rêve de bonheur ?
Les amis. Du temps à l’infini.
Une bonne bouteille accompagnant des discussions passionnées sur l’essentiel et
le futile, sur une terre où l’on échappe à la laideur du monde. Et où la
solitude est facile d’accès.
Quel serait votre plus grand malheur ?
Assister à la victoire de la
facette nihiliste de ma personnalité sur toutes les autres. Elle détruirait
tout pour ne laisser derrière elle qu’un désert stérile.
Le pays où vous désireriez vivre ?
L’Islande. Car la solitude y est
facile d’accès. Le grondement de la terre sous les pieds y rappelle que nous
sommes des poussières de rien.
Vos auteurs favoris ?
Albert Camus, Romain Gary,
Kundera, Gabriel Garcia Marquez, Murakami, Assia Djebar, Charlotte Delbo, Stephen
King. Tellement d’autres. Récemment, je suis tombée amoureuse de Judith
Perrignon.
Vos héros de romans favoris ?
Ceux qui se débattent avec leurs
imperfections tout en tentant de rester humain.
Vos héros dans la vie réelle ?
Germaine Tillion. Simone Veil.
Hannah Arendt. Je suis fascinée par les femmes fortes.
Vos noms favoris ?
Sarah. Catherine. James. Solal.
Le don de la nature que vous voudriez avoir ?
L’inaptitude à la fatigue.
Quelles sont les fautes qui vous inspirent le plus
d’indulgence ?
Celles résultant d’un acte de
bienveillance.
Quelle est votre devise ?
Il y en a deux.
La première : « Il ne
savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait », de Mark
Twain.
La seconde : « Et
alors ? » Elle m’a été soufflée par une personne qui m’a sauvé la
vie, à une époque où je souffrais d’une paralysie totale. J’avais peur de tout.
Le jugement des autres me terrorisait. Un jour, mon sauveur m’a dit :
« On se moquera de toi. Et alors ? »
Cela peut sembler fou, mais ces
mots-là, désinvoltes, joyeux, m’ont libérée. Ils ont éteint toute les peurs. Je
me les répète chaque fois que la paralysie menace à nouveau. « Et
alors ? »
Après ce petit questionnaire de Proust, quelques
questions sur votre actualité pour conclure :
Quels sont vos projets actuels ?
Je peaufine mon quatrième roman,
qui n’aura pas grand-chose à voir avec les trois premiers. J’ai dû opérer une
révolution intérieure pour l’écrire. Il y aura de l’enquête, de la peinture, de
l’aventure. Il y aura de la douleur et de la joie. Le cinquième livre est en
gestation, quelque part. C’est encore une petite graine à la recherche de
l’endroit idéal pour s’épanouir.
Que
peut-on vous souhaiter?
De réussir à mener toutes mes
vies de front – journalisme et écriture, en particulier. C’est effroyablement
difficile. Sacrifier l’une au profit de l’autre le serait tout autant.
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