L'automne des incompris, Hugo Ehrhard

Auteur: Hugo Ehrhard
Titre Original: L’automne des incompris
Date de Parution : 20 août 2014
Éditeur : Le Dilettante
Nombre de pages : 256
Prix : 17,00€ 16,15€

Quatrième de couverture : Voir le Vorukhstan et mourir ! Mais n'allons pas trop vite. Rembobinage rapide. Franck Secondi, 39 ans, est testeur aérien. Késaco ? Employé de la société Skyscope, il est chargé, passager professionnel et espion céleste, d'évaluer la qualité des services fournis en vol, de par le monde, méridien après méridien, par les compagnies high ou low cost. Son quotidien consiste donc à noter la saveur des plateaux-repas, étoiler ou pas le ballet des hôtesses, apprécier le moelleux d'un fauteuil. Travail simple qui s'effectue fiche en main et que récompense, de loin en loin, une amourette à dix mille pieds d'altitude. Métier routinier et paisible, qui n'évite pas une morosité que renforcent, à terre, la plouquerie de Plot, chef de service, et l'amitié vacharde d'Horace Goupil, avocat et conseilleur. Un vol sempiternellement plané à l'entour de la Terre dont la monotonie est brisée, sec, un jour, par la vision de KirstenVan Heurn. Conseillère en communication et stratège en image publique, elle donne à la vie de Franck une bouffée de romanesque : amour en vol, restaurants chics, party VIP. Franck pris dans les rets de la belle au point, et c'est là où tout pivote, de la pister au coeur de la République humaniste indépendante du Vorukhstan. Créée de toutes pièces à partir d'une province sécessionniste du Kirghizistan, la RHIV se veut la table rase politique qui créera l'homme nouveau, un monde neuf et régénéré. Après le Printemps des peuples, voici l'Automne des incompris, bouclez vos ceintures, trous d'air en vue ! ! !

Extrait
L'examen

- Pensez-vous que les hommes devraient partager plus équitablement leurs richesses ?
C'est un piège, pensa Franck Secondi. Cette question tombait sous le sens. Même un ultralibéral féroce n'aurait pas pris le risque de répondre «non» dans de telles circonstances. Pas face à l'un de ces exaltés. Tout le discours des intégristes intellectuels s'articulait autour du «grand déséquilibre» de notre société, auquel ils entendaient remédier. Franck Secondi ne s'était-il pas lui-même aventuré jusque-là pour avoir adhéré à cette idée ? Remédier à un déséquilibre ne revenait-il pas à partager équitablement ? Il n'y avait pas lieu de douter, donc Franck Secondi doutait. Et l'inspecteur des douanes le sondait. Il se gaussait intérieurement de lui. Il savait que Franck Secondi doutait. C'était un piège ! Un piège !
De la pointe de son index gauche, l'inspecteur des douanes redressa ses lunettes.
La climatisation de la pièce cessa soudain de ronronner.
Dehors, de l'autre côté des murs, on entendit le cri d'un homme fatalement contrarié.
- Oui, c'est ce que je pense, trancha Franck Secondi en regrettant aussitôt son élan intempestif.
- C'était un piège, lança crûment l'inspecteur des douanes. Un non-sens. Un non-sens essentiel. Une richesse ne se partage pas équitablement, par définition. Si on la partage équitablement, une richesse cesse d'être une richesse. N'est-ce pas ? Partager équitablement les richesses ! Et pourquoi pas servir la soupe dans des passoires ? Mais oui, pourquoi pas ? C'est un concept qui relève de la même intelligence.
Après avoir exposé son point de vue, l'inspecteur des douanes laissa s'installer un autre silence pesant. En tant que candidat, Franck Secondi devait réagir, prouver sa valeur, faire étalage de sa science ; voilà ce que l'on attendait de lui. Toutefois, en cas de nouvel impair, il compromettrait ses chances de survie. Il se contenta donc de dire :
- Ah oui, tiens, c'est pas faux.
C'était minable. Il lui fallait alléger l'atmosphère, briser la glace. Vite.
- Bon, il y a quand même un truc que je voudrais vous demander, vous qui êtes, euh, habitué à tout ça : vous trouvez que je suis à ma place ici ? Franchement ?
Cette fois-ci, les jeux étaient faits. Franck Secondi voulut mordre ses propres lèvres jusqu'au sang. Par quelle malédiction trouvait-il systématiquement le moyen de prononcer les mots qu'il ne fallait surtout pas prononcer ? Il songea que l'auteur du dicton «Il n'y a pas de question idiote», génie ou pas, était un sadique ; ceux qui le croyaient, des demeurés. Les questions idiotes existaient bel et bien ! C'étaient des bombes à retardement, à même de révéler vos faiblesses les plus inavouables. Une seule phrase maladroitement formulée, bafouillée sans patience, et le manque de cohérence de votre démarche se voyait exhibé au grand jour. L'opprobre, puis l'oubli.