Nouvelle Inédite d’Arnaud Friedmann – Une terrible beauté est née

J’avais un projet un peu fou, nous faire découvrir à nous lecteurs des nouvelles inédite. Après quelques échanges de mails, j’ai vue mon rêve se réaliser. C’est ainsi que plusieurs auteurs ont répondu présent.


La nouvelle intitulée une terrible beauté est née que vous découvres aujourd’hui a été écrite par Arnaud Friedmann l’auteur du roman «  Le tennis est un sport romantique ».

Une terrible beauté est née

Un bruit, d’abord. Un grondement qui empoigne l’immeuble engourdi, grésille aux vitres des fenêtres. Mains molles encore aux courroies des volets, mains collées aux linteaux, et l’air humide de l’aube qui cogne les visages, investit les narines, s’infiltre vers les pièces tièdes où l’idée d’une nouvelle journée rechigne à pénétrer.

Trente bus, bleus, bondés de formes bardées dans des costumes guerriers. Les mains sur les garde-corps se crispent. Se relâchent. Rien d’inquiétant. Des bus. Bleus. En bas, dans la rue, des bus avancent. Ralentissent. S’immobilisent. Rectangles sombres parallèles aux trottoirs, aux immeubles d’en face desquels dépassent d’autres mains, des phalanges qui s’incurvent sur le métal des balcons. Reflets d’alliances offerts aux premiers rayons du soleil. Les visages ne se laissent pas distinguer dans la gueule noire des appartements.

Bottes. Coques sombres, d’abord, talons épais qui claquent en chœur au sol.  Pantalons bleus, matraques, gilets. Visières des casques, aucun visage. Les corps semblables. En face, les doigts inexplicablement se rétractent à l’intérieur des pièces. Des fenêtres s’entre-referment.

Et l’attente. Rien ne bouge. Le soleil balaie l’ombre des toits, s’attaque impunément aux étages supérieurs. Aux fenêtres, les cœurs de ceux qui sont restés se serrent, se surprennent à espérer le traumatisme d’une sirène qui les libérerait de cette attente opaque. En bas, ils ne bougent pas. Trente grappes de cinquante casques par rangées de six devant les rectangles parfaits des bus. En se penchant à peine on aperçoit, pour ceux qui l’osent, les grilles de la clinique éclaboussée de lumière. Certains osent. On devine leurs corps, on ne perçoit pas les visages. Le soleil, en cause, ou la crainte.

Neuf heures. Naissance. Tous l’espèrent aux fenêtres. L’espèrent pour se défaire des formes impeccables qui paralysent la rue, des casques alignés qui s’embrasent par intermittence. Qu’elle arrive, dans l’ambulance souveraine, qu’elle arrive même si on ne la voit pas, elle. Que les portes de la grille s’écartent enfin. L’absorbent. L’absolvent. Que cessent l’haletante attente et l’occupation sombre de la rue. A midi, le soleil basculera sur les parois d’en face. Eux seront toujours là. Rien ne se passe. Rien ne nait encore, malgré l’attente. Si. Quelque chose. Dans la rue. La terrible beauté de ces casques alignés.         
Arnaud Friedmann
Dernier roman paru : Le tennis est un sport romantique

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