Le tueur hypocondriaque, Juan Jacinto Muñoz Rengel


Auteur: Juan Jacinto Muñoz Rengel
Titre Original: El asesino hipocondriaco
Date de Parution : 7 mars 2013
Éditeur : Éditions Les Escales
Nombre de pages : 229
Prix : 21,50€ 20,42€

Quatrième de couverture : Monsieur Y., tueur à gages de son métier, n’a plus qu’un jour à vivre… Deux, maximum. En réalité, M. Y. se réveille chaque matin :
1) persuadé qu’il s’agit du dernier jour de sa vie,
2) déterminé à tuer Eduardo Blaisten, qu’il poursuit depuis un an et deux mois exactement.
Mais, en plus d’être atteint de maladies toutes plus rares et/ou imaginaires les unes que les autres, M. Y. souffre d’une malchance chronique. Si seulement il ne s’était pas endormi dans le métro la fois où il aurait pu pousser Blaisten sur les rails !
Au fil de ses tentatives d’homicide, M. Y. établit des liens évidents entre ses propres symptômes et les grands maux qui torturèrent Proust, Voltaire, Tolstoï, Molière, entre autres grands hypocondriaques de l’histoire. Et lui, arrivera-t-il à accomplir sa dernière grande œuvre ?

Extrait
1

Il ne me reste plus qu'un jour à vivre après en avoir volé quinze milliards à la mort. Plus qu'un. Deux au grand maximum.
Comme presque tous les matins, j'ai la certitude absolue que je mourrai aujourd'hui même. Ce serait contrevenir à toutes les lois de la nature que mon corps, accablé par tant de maladies, tienne encore un jour de plus. Mais je ne peux pas partir avant d'en avoir terminé avec Eduardo Blaisten. On m'a payé à l'avance, et je suis un homme de devoir kantien.
Ce matin, à 7 h 40, j'ai vérifié mon pouls, l'index et l'annulaire posés sur la face interne du poignet : 82 battements par minute, sur le côté gauche du cou : 86. Je respirais 18 fois par minute. Ensuite j'ai pris ma tension artérielle : 12,7/7,4 mmHg. Pour mon petit déjeuner, j'ai préparé un thé vert - ses polyphénols possèdent des propriétés anticancérigènes - sans lait parce que les caséines diminuent les bénéfices du thé dans le système cardiovasculaire, deux toasts de pain complet arrosés d'huile d'olive, et mes prunes du matin. Puis j'ai attendu quelques minutes avant de glisser un thermomètre dans mon rectum : 37,2 degrés, un degré de plus que dans la bouche.
Je me suis levé et j'ai aéré la maison tout en la maintenant à 26 degrés. À 8 h 20, j'ai repris ma tension.
J'espère que toutes ces précautions maintiendront mon pauvre corps en vie pour la journée - serait-ce trop demander ? Est-ce que je demande vraiment l'impossible, mon Dieu ? Car je dois assassiner Blaisten.

2

Cela fait un an et deux mois que je suis Eduardo Blaisten. Je prends mon temps parce que j'aime faire correctement mon travail.
Nous sommes mardi, je sais donc qu'il ne va pas tarder à apparaître rue Virgen de los Peligros, au coin d'Alcalá, comme tous les mardis, pour boire un café au Starbucks, assis sur un tabouret haut, face à la devanture. Je le sais parce qu'il est 10 h 22 et Blaisten arrive toujours rue Virgen de los Peligros après 10 h 23 et avant 10 h 24, d'un pas allègre, avec son costume sur mesure, le manteau ouvert et une mallette de cuir serrée dans son poing droit. Pour le reste, je ne sais pas, mais il faut bien reconnaître qu'Eduardo Blaisten est un homme ponctuel.
En principe, la ponctualité de la cible facilite le travail. Tout élément de routine contribue à la planification préliminaire de l'homicide. Même si, dans cette affaire, je sais que cela paraîtra contradictoire, je ne peux m'empêcher d'avoir l'impression que cette extrême ponctualité obéit au secret dessein de se moquer de moi. (...)