Auteur: Elise Tielrooy
Titre Original: Le bonheur n'est pas un sport de jeune fille
Date de Parution : 7 mai 2014
ISBN: 978-2714457769
Nombre de pages : 377
Prix : 18,00 €
Quatrième de couverture : Mes personnages
m'ont prise par surprise. Ils se sont engouffrés en thalasso alors que j'y
étais moi-même, tranquille et sans défense, et se sont installés dans ma tête.
Ils ont pris le contrôle en explosant tout au passage. Rentrée à Paris, ce sont
eux qui m'ont assise au café tous les matins, et c'est en pensant à vous que
j'ai tenté de les dompter.
Nous avions rendez-vous.
Assise devant des expressos qui refroidissaient, j'ai
voulu croire que même de vilaines farces pouvaient naître de belles choses. Le
bonheur ? Il est en nous pour peu qu'on prenne la peine de le saisir, entre
autres lors de ces «imprévus», quand la réalité nous dépasse et que la poésie
se faufile... Si on regarde bien.
Extrait
Janvier 2006
Sur son vélo, elle pédale. Pousser sur un pied puis
sur l'autre, respirer l'air humide de la Bretagne avec une toute nouvelle
fonction pilote automatique qui turbine à plein régime. Guillemette vient de
découvrir la simplicité du coup de massue.
«C'était il y a dix-huit ans, quatre mois et deux
jours...»
L'émotion dans la voix de son père, la remarquable
précision du récit qu'elle a entendu ce matin au petit déjeuner, tout semble
indiquer qu'il a dit la vérité.
Et voilà. Il n'y a donc plus d'accident sur la
nationale 10, mais des fils électriques qui se touchent dans un cabanon des
Landes. Sa mère était morte, elle ne l'est plus. Sa mère était devenue folle,
elle ne l'est plus. Mais s'il arrive une chose et son contraire... alors on
peut affirmer n'importe quoi, tout devient absurde. Dans ce chaos, comment
échapper à la question qui la ronge ?
Et si tout ça était vrai ? Si elle existait vraiment,
pourquoi ma mère irait le voir lui, et pas moi ? Soit Papa est devenu fou, soit
c'est moi.
Elle se sent comme un pare-brise en verre feuilleté,
tout étoile après un choc, prêt à éclater à la moindre secousse. Et par ce
froid matin de janvier, elle compte sur les massages pour lui faire oublier
tout ça. Finalement, elle aime son boulot. Vive le boulot ! Bienvenue dans le
monde feutré de la thalasso.
D'habitude, les deux kilomètres qui séparent la maison
du centre sont l'affaire de cinq minutes mais, aujourd'hui, le temps se dilate
et se rétracte selon des lois inconnues. La thalasso se profile enfin,
accrochée à sa falaise. Le centre. La terre ferme. Au bout d'une petite route
qui longe le précipice, une villa fin XIXe renferme le coeur de l'hôtel. La
réception, les restaurants et les plus belles suites. Tout autour, des
bâtiments bas, moisissures hypermodernes, ont envahi le pied des murs anciens,
de telle sorte que la partie gracieuse domine encore. Derrière les baies
vitrées bien fermées, le bataillon des chambres raisonnables et l'aile de
thalassothérapie si tranquille l'attendent, comme tous les jours.
Guillemette est masseuse sous affusions, cabine T21,
deuxième étage. Son travail consiste à prodiguer un soin, le plus agréable
possible, sur un corps aspergé, ou plutôt brûmisé d'eau de mer chaude. C'est
divin. On le lui a fait une fois. Cela permet de faire le vide, de se
concentrer sur son corps, d'oublier les soucis, comme disent les clients.
Pareil pour moi. Quand je masse, tout passe.