Auteur: Xavier Hanotte
Titre Original: Derrière la colline
Date de Parution : 23 janvier 2014
Éditeur : Belfond
Nombre de pages : 430
Prix : 20,00€ 19,00€
Quatrième de couverture : Professeur, mariée, un enfant, la trentaine, Lise
est admise dans une maison de repos, à Saint-Libron, dans le sud de la France.
Elle souffre de dépression. Sur place, elle ne tarde pas à se lier d’amitié
avec Oriane, nettement plus jeune, parisienne de bonne famille et qui souffre
d’anorexie. Oriane a subi des violences sexuelles à l’adolescence. Dans le
Grand Hôtel voisin où l’on soigne les accidentés de la route, Daisy, Américaine
de la côte Est, se rétablit d’un grave accident de la route, sous le regard de
Maxime, son élégant et mystérieux mari qui pousse avec amour son fauteuil
roulant. Tout est étrange dans ce couple : l’accident a couté la vie à Gladys,
la précédente épouse de Maxime, et Daisy, blessée mais vivante, a pris la place
de la défunte... La rencontre des trois femmes convalescentes et du séduisant
Maxime, surnommé par Oriane et Lise « l’homme en noir », réveille toutes sortes
de fantasmes, d’angoisses, de souvenirs. Et la mort rôde tant dans les
cauchemars que dans le quotidien sans relief de ces convalescentes que la cure
emprisonne. Peut-on vivre, aimer dans cette bulle qu’est la convalescence ?
Peut-on vraiment en sortir un jour ? Oriane, Lise, Daisy répondent chacune à
leur manière à ces obsédantes questions.
Extrait
Derrière la colline, mais tout à côté d'eux
Si la Première Guerre mondiale a fait les millions de morts que l'on
sait, elle n'en continue pas moins d'enfanter, à la manière d'une inépuisable
parturiente : s'interrogera-t-on un jour sur la quantité remarquable
d'ouvrages, d'histoire et de fiction, que cette guerre continue aujourd'hui
encore à faire naître ? Que les historiens s'emparent de l'événement, rien là
de surprenant : c'est leur pain quotidien que de fouiller les faits, les dates
et les enjeux du passé des hommes. Mais que, dans le champ artistique, les
écrivains, et plus particulièrement les romanciers, reviennent avec une
constance obstinée sur ces quatre années de massacre, voilà qui est plus
curieux.
Nous avons depuis longtemps passé la période du témoignage durant
laquelle l'écrivain combattant, et survivant, fit de sa propre expérience la
matière d'une oeuvre entière ou de certains de ses livres : c'est parmi cette
vague originelle, on le sait, que l'on compte dans les lettres françaises des
chefs-d'oeuvre signés Barbusse, Dorgelès, Genevoix, Giono ou Céline. Nul ne
peut contester à ces auteurs une légitimité à transcrire, dans un cadre plus ou
moins fictionnel, un quotidien effroyable qui a marqué, jusque parfois dans
leur chair, ces hommes qui étaient alors dans la jeunesse du premier âge
adulte. Leur génération a disparu depuis longtemps, la suivante est sur le
point de le faire, et c'est donc de nos jours ceux qui pourraient être leurs
petits-enfants, voire plus certainement leurs arrière-petits-enfants qui, dans
la dimension romanesque, continuent à interroger la guerre de 14-18.
Ne m'intéresse nullement le débat acrimonieux que certains ont voulu
lancer il y a quelque temps, à propos d'une autre guerre, concernant qui avait
ou non le droit de traiter en roman un fait historique auquel il n'avait pas
été directement lié. Si la littérature s'encombrait d'attendre pour se faire le
blanc-seing de vieilles badernes qui se drapent d'autorité morale, de gardiens
des cendres autoproclamés, il y a beau jeu qu'elle n'existerait plus ou aurait
perdu toute essence. Non, ce qui aiguillonne ma curiosité, c'est davantage
l'étonnement de voir toujours vivant un vieil événement mort. De le palper
chaque année dans une pleine cargaison de romans frais, comme on inspecte les
caisses de bois d'une marée débarquée d'un chalutier.
Savoir qu'une cohorte d'écrivains dont le lait goutte encore des
oreilles se plaît à s'embourber dans les lointaines tranchées, à palper la
neige et les brouillards, à sacrifier leur présent confortable de technologies
high-tech, d'air conditionné et paix délicieuse au profit du spectre d'une
guerre sale, puante, poisseuse, interminable, encombrée de cadavres sans tête,
de boyaux et de mouches, d'ordres déments, de vinasse, de gros tabac gris et de
graciles aéroplanes, ne cesse de me surprendre. Pourquoi donc ainsi, et
toujours et toujours, délaisser l'aujourd'hui pour fouiller cet hier ?