Titre Original: The Time Keeper
Date de Parution : 20 mars 2014
Éditeur : Pocket
Prix : 6,20€ 5,89€
Quatrième de couverture : Pour s'être attiré les foudres des dieux le jour
où il a réussi à créer la première horloge, Dor est emprisonné dans une cave
pendant des siècles, contraint d'écouter les voix suppliantes de tous ceux qui,
venant après lui, quémandent du temps, toujours plus de temps. Jusqu'au jour où
on lui donne la possibilité de se racheter. Projeté en 2012, Dor va devoir
s'acquitter d'une mission : faire comprendre à deux personnes sur Terre le vrai
sens du temps : une adolescente prête à mettre fin à ses jours et un riche
homme d'affaires condamné par la maladie, désireux, lui, de vivre
éternellement. Pour se sauver lui-même, Dor va devoir les sauver.
Extrait
Un homme est assis, seul dans une caverne.
Il a les cheveux longs, une barbe qui descend jusqu'aux genoux. Il a le
menton posé au creux des mains.
Il ferme les yeux.
Il écoute. Des voix. Des voix sans fin. Elles montent d'un bassin dans
le fond de la caverne.
Ce sont les voix des gens sur Terre.
Elles ne veulent qu'une chose.
Le Temps.
Sarah Lemon est l'une de ces voix.
C'est une adolescente d'aujourd'hui ; allongée sur son lit, elle
contemple une photo sur son téléphone. Un beau garçon aux cheveux couleur café.
Ce soir, elle le verra. Ce soir à huit heures et demie. Elle se répète,
palpitante : «Huit heures et demie, huit heures et demie !» - et elle se
demande ce qu'elle portera. Le jean noir ? Le haut sans manches ? Non. Elle
déteste ses bras. Pas le haut sans manches.
«Il me faut plus de temps», dit-elle.
Victor Delamonte est l'une de ces voix.
C'est un homme riche qui a passé quatre-vingts ans. Il est assis dans un
cabinet médical, sa femme à ses côtés. Des papiers blancs recouvrent une table
d'examen.
Le docteur parle à voix basse : «Nous ne pouvons plus faire
grand-chose», dit-il. Des mois de traitement qui n'ont pas marché. Les tumeurs.
Les reins.
La femme de Victor veut dire quelque chose, mais les mots s'étranglent
dans sa gorge. Comme s'ils partageaient le même larynx, Victor s'éclaircit la
voix.
«Ce que Grâce veut savoir, c'est... combien de temps il me reste.»
Leurs mots dérivent jusqu'à la caverne lointaine - jusqu'à l'homme barbu
que l'on appelle Père Temps.
On pourrait croire que c'est un mythe, un dessin sur une carte de Nouvel
An - immensément vieux, hagard, un sablier à la main, plus âgé que tous les
habitants de la planète.
Mais Père Temps est réel. Et, à la vérité, il ne peut pas vieillir. Sous
sa barbe broussailleuse et ses cheveux en cascade - signes de vie, non de mort
- son corps est mince, sa peau lisse, immunisée contre la force dont il est le
maître.
Jadis, avant de courroucer Dieu, il n'était qu'un homme parmi les
autres, destiné à mourir une fois ses jours écoulés.
Désormais, son destin est différent : exilé dans cette caverne, il doit
écouter toutes les suppliques du monde - encore quelques minutes, quelques
heures, quelques années, encore du temps.
Il est ici depuis une éternité. Il a abandonné tout espoir. Mais quelque
part, en silence, une horloge tourne pour chacun d'entre nous. Et même pour
lui.
Bientôt, Père Temps sera libre.
De retourner sur Terre.
Et d'achever ce qu'il a commencé.