La
Première Guerre Mondiale devait être la der des ders, mais ne sera que les
prémisses d'une seconde toute aussi destructrice. La guerre de 14-18 nous aura
laissée en plus des tranchées et des gaz, une production littéraire
impressionnante et quelques fois des chefs d'œuvres de la littérature.
Je
vous propose donc de découvrir une petite sélection de romans sur la Première
Guerre mondiale.
Gabriel
Chevallier, que l’on reconnaît sous les traits de Jean Dartemont, raconte la
guerre de 1914-1918 telle qu’il l’a vécue et subie, alors qu’il n’avait que
vingt ans. Le quotidien des soldats – les attaques ennemies, les obus, les tranchées,
la vermine – et la Peur, terrible, insidieuse, « la peur qui décompose mieux
que la mort ». Parue en 1930, censurée neuf ans plus tard, cette oeuvre,
considérée aujourd’hui comme un classique, brosse le portrait d’un héros
meurtri, inoubliable.
«
Le grand moment était venu. Le barrage roulant s'approchait des premières
tranchées. Nous nous mîmes en marche... Ma main droite étreignait la crosse de
mon pistolet et la main gauche une badine de bambou. Je portais encore, bien
que j'eusse très chaud, ma longue capote et, comme le prescrivait le règlement,
des gants. Quand nous avançâmes, une fureur guerrière s'empara de nous, comme
si, de très loin, se déversait en nous la force de l'assaut. Elle arrivait avec
tant de vigueur qu'un sentiment de bonheur, de sérénité me saisit.L'immense
volonté de destruction qui pesait sur ce champ de mort se concentrait dans les
cerveaux, les plongeant dans une brume rouge. Sanglotant, balbutiant, nous nous
lancions des phrases sans suite, et un spectateur non prévenu aurait peut-être
imaginé que nous succombions sous l'excès de bonheur.
Un
curé traverse la route en portant une pendule. Un canon anglais passe au grand
galop, les chevaux fouettés par les artilleurs français. Un colonel sans capote
et nu-tête fait ses grands pas dans l'herbe. De sa main gauche, il tient une
boîte de sardines ouverte. Il trempe le pain dans l'huile et il pompe à pleine
bouche. Un officier anglais, penché derrière un arbre, allume sa pipe à l'abri.
Tout ça s'en va vers le mont Cassel. Un réquisitoire contre la guerre.
Maurice
Genevoix n'avait que 24 ans lorsqu'il prit le commandement d'une compagnie au
mois d'août 1914. Jour après jour, tandis que se tissaient des relations faites
d'entraide et de peur, il fit face à l'horreur des combats, des cadavres
mutilés, de l'inimaginable. Trois balles le blessèrent grièvement et mirent fin
au cauchemar. Un récit de guerre bouleversant et terriblement humain.
Les
années 1915 et 1916 ont été, pour Henri Barbusse, décisives.
C’est
en 1915 qu’il a vécu Le Feu dans les tranchées du Soissonnais, de l’Argonne et
de l’Artois, comme soldat d’escouade, puis comme brancardier au 231e régiment
d’infanterie où il s’était engagé. C’est en 1916, au cours de son évacuation
dans les hôpitaux, qu’il a écrit son livre. Celui-ci, publié par les Éditions
Flammarion à la fin de novembre, remporta aussitôt après le prix Goncourt.
Considéré dans le monde entier comme un des chefs-d’œuvre de la littérature de
guerre, c’est un des témoignages les plus vrais et les plus pathétiques des
combattants de première ligne.
Le
Feu est suivi du Carnet de guerre qui permet de remonter aux sources mêmes de
la création du roman épique d’Henri Barbusse.
Henri
Laporte (1895-1982) fut l'un de ces jeunes « poilus » anonymes qui partirent,
par millions, refouler les « Tudesques ». Il rêvait de cavalerie : ce furent
les tranchées d'Argonne, le front de Champagne, Verdun et la Somme. C'est bien
des années plus tard qu'il se décida à transcrire, pour lui-même et pour sa
famille, ses carnets de guerre.Ce Journal, document inédit, constitue un
témoignage direct et précis, sans amertume ni forfanterie, sur la violence des
combats de 14-18. Il illustre aussi l'esprit d'une époque disparue, une sorte
d'innocence noble où se mêlaient l'abnégation, le goût de vivre et la
fraternité.
Les
Croix de bois, chef-d’œuvre de Roland Dorgelès, engagé volontaire, est un
témoignage exceptionnel sur la Première Guerre mondiale.
Avec
un réalisme parfois terrible mais toujours d’une généreuse humanité, la vie des
tranchées nous est décrite dans toute son horreur et aussi sa bouffonnerie, son
quotidien et ses moments d’exception.
«
Quand nous partons, nous ne sommes que de vulgaires soldats, maussades ou de
bonne humeur et, quand nous arrivons dans la zone où commence le front, nous
sommes devenus des hommes-bêtes? »Témoignage d'un simple soldat allemand de la
guerre de 1914-1918, À l'ouest rien de nouveau, roman pacifiste, réaliste et
bouleversant, connut, dès sa parution en 1928, un succès mondial retentissant.
Il reste l'un des ouvrages les plus forts dans la dénonciation de la
monstruosité de la guerre.
Pour
mieux restituer la misère des soldats et l'horreur des tranchées lors de la
Grande Guerre, Bénédicte des Mazery, citant des lettres réelles de poilus comme
celle-ci écrite par un certain Jo, imagine l'histoire de Louis Saint-Gervais,
un soldat réformé pour blessure et affecté au service du contrôle postal. Le
jeune homme va lire et devoir censurer toutes les lettres qui expriment la
souffrance et la détresse des camarades restés au front. Mais peut-on rester
indifférent à ces cris de désespoir qui sont des appels au secours ?
En
1914, tout sourit à Adrien, ingénieur officier. Mais, au début de la guerre,
lors d'une reconnaissance sur les bords de la Meuse, un éclat d'obus le
défigure. En un instant, il est devenu un monstre, une "gueule
cassée". Adrien ne connaîtra ni l'horreur des tranchées ni la boue, le
froid, la peur ou les rats. Transféré au Val-de-Grâce, il rejoint une chambre
réservée aux officiers. Une pièce sans miroir où l'on ne se voit que dans le
regard des autres. Il y restera cinq ans. Cinq ans entre parenthèses. Cinq ans
pour penser à l'avenir, à l'après-guerre, à Clémence qui l'a connu avec son
visage d'ange. Cinq ans à nouer des amitiés déterminantes pour le reste de son
existence...
La
guerre - la Grande Guerre -, et la vie qui reprend. L’inhumanité des combats,
le difficile retour à la vie civile, les souvenirs obsédants. Dans ces six
nouvelles qui parurent après son exil aux États-Unis, l’auteur de À l’ouest
rien de nouveau montre à quel point le militarisme et le nationalisme sont des
machines à décerveler et à tuer et livre un plaidoyer sans didactisme et sans
pathos contre la bêtise et l’inutilité de toutes les guerres. « Au-dessus de
ces champs semblent se dresser les années perdues, les années qui n’ont pas été
et que ne trouvent pas le repos – le cri de la jeunesse anéantie trop tôt,
fauchée en pleine course. »
Ils
se nomment Marius, Boris, Ripoll, Rénier, Barboni ou M'Bossolo. Dans les
tranchées où ils se terrent, dans les boyaux d'où ils s'élancent selon le flux
et le reflux des assauts, ils partagent l'insoutenable fraternité de la guerre
de 1914. Loin devant eux, un gazé agonise. Plus loin encore, retentit
l'horrible cri de ce soldat fou qu'ils imaginent perdu entre les deux lignes du
front, " l'homme-cochon ". A l'arrière, Jules, le permissionnaire,
s'éloigne vers la vie normale, mais les voix de ses compagnons d'armes le
poursuivent avec acharnement. Elles s'élèvent comme un chant, comme un mémorial
de douleur et de tragique solidarité. Dans ce texte incantatoire, l'auteur de
La Mort du roi Tsongor (prix Goncourt des lycéens 2002, prix des Libraires
2003) et du Soleil des Scorta (prix Goncourt 2004) nous plonge dans l'immédiate
instantanéité des combats, avec une densité sonore et une véracité
saisissantes.
Roland
Dorgelès Les Croix de bois, Erich Maria Remarque À l’ouest rien de nouveau,
Gabriel Chevalier La Peur et Crapouillot, Ernst Junger Orages d’acier
À
l’été 1914, les armées françaises et allemandes s’engagèrent dans un conflit
qui, pour la première fois dans l’histoire, allait se propager au niveau
mondial. Plusieurs millions d’hommes furent envoyés sur le front. Dans la boue
des tranchées, sous les obus et les nuages de gaz, ils tentèrent de survivre à
« la plus formidable connerie des temps modernes ». Beaucoup ne revinrent
jamais. De ces années terribles sont nés des textes d’une grande force
littéraire, devenus des classiques contemporains. Ce volume réunit quatre
auteurs français et allemands, dont les œuvres témoignent, chacun à leur façon,
de la vie de ces hommes engloutis dans la folie meurtrière de la guerre.