Auteur: Cathérine
Hermany-Vieille
Titre Original: La bête
Date de Parution : 29 janvier 2014
Éditeur : Albin Michel
Nombre de pages : 160
Prix : 15,00€ 14,25€
Quatrième de couverture : Au XVIIIe siècle, dans le petit village de La
Besseyre-Sainte-Marie, en Gévaudan, on a moins peur des loups, que l'on sait
traquer depuis longtemps, que du Diable. Seul le père Chastel sait le tenir à
distance avec ses potions et ses amulettes. On respecte, on craint cet homme
qui détient tant de «secrets». Mais lorsque la région devient la proie d'un
animal aussi sanguinaire qu'insaisissable, comme vomi par l'enfer, le sorcier
reste impuissant. La perte de ses pouvoirs serait-elle liée au retour de son fils
Antoine, cet étrange garçon solitaire et sauvage, échappé des geôles du dey
d'Alger ?
Extrait
Nul au village n'ignore que l'automne est proche. La lumière et les
feuilles se font rousses, aux pâturages les troupeaux attendent de regagner les
étables. Dès la fin du mois d'octobre on rentre boeufs, moutons et porcs, on
calfeutre portes et fenêtres, on amoncelle le bois dans les bûchers, on compte
et recompte les tonneaux de viande salée, de lard, les sacs de pois et de
haricots secs. L'hiver s'impose vite en Gévaudan avec ses vents aigres, son
froid mordant, ses nuages lourds annonciateurs de neige, le hurlement des loups
qui se regroupent.
Pour confectionner les balles des fusils de chasse, les hommes fondent
du plomb et enferment la poudre dans des carrés de papier. Les enfants
cueillent des baies, des simples, des herbes curatives qui sécheront au coin de
l'âtre, les femmes sarclent choux et raves dans les potagers. Pendant cinq mois
il faudra vivre en autarcie, même quand la nécessité forcera quelques
téméraires à s'aventurer sur les layons forestiers, les sentiers traversant les
landes où le silence glace le sang. Le plus grand péril n'est pas les loups, on
est en leur compagnie depuis la nuit des temps, on sait quand la faim les
pousse à rôder près des villages ; on n'ignore pas non plus qu'un bâton, un
chien de berger les font fuir. En cette fin du XVIIIe siècle, chassés, traqués,
ils ne constituent plus comme autrefois de bandes imposantes. Dans les
pâturages, les loups n'en veulent pas aux bergères mais à leurs moutons, leurs
gorets, leurs veaux, dont ils détectent la présence à plus d'une lieue alentour.
Non, ce que craignent les paysans, c'est le Diable, les esprits mauvais, les
hôtes des ténèbres.
Même au coeur de l'hiver, les habitants de La Besseyre-Saint-Mary et des
environs se glissent dans l'antre du père Chastel pour acheter ses amulettes
protectrices, les malades pour en obtenir des herbes curatives, les estropiés
pour qu'il remette en place une épaule ou un genou démis, pose une attelle sur
un membre brisé. On le respecte, il fait peur aussi. Parce qu'il cause peu, ne
demande jamais de service à personne, on l'appelle le Masque. Ses deux fils lui
ressemblent. Depuis la mort de leur mère, le cadet, Antoine, devenu garde
forestier, se fait de plus en plus sauvage. Au cabaret il avale sans dire mot
un gobelet ou deux d'eau-de-vie ; sa barbe, ses cheveux hirsutes tiennent les
autres à distance. L'aîné, Pierre, cultive les terres du père. Plus civil, il
bavarde parfois avec les garçons de son âge. On le voit même échanger quelques
mots avec des filles. Ni sorcier comme Jean ni farouche comme Antoine, il est
cependant différent. Son regard, le ton de sa voix peut-être, l'impression
qu'il donne de garder des secrets.