La beauté du geste, Nicolas Rey

Auteur: Nicolas Rey
Titre Original: La beauté du geste
Date de Parution : 24 octobre 2013
Éditeur : Au Diable Vauvert
Prix : 15,00€ 14,25€

Quatrième de couverture : «Qu'importe la tenue, pourvu d'avoir le geste. Le geste, c'est autre chose. La beauté du geste. À savoir, l'inverse de la perfection.»

De 2000 à 2013, de Zurban à France Inter, cinquante chroniques pleines de fantaisies, d'impertinence et de liberté. Les portraits irrésistibles de Catherine Deneuve, Isabelle Adjani, Vladimir Nabokov, Joey Starr, Marcel Proust et de bien d'autres personnalités.
Des événements, petits et grands, réels ou imaginaires, qui ont marqué la décennie passée...

Né à Évreux en 1973, Nicolas Rey, est l'auteur de sept livres, en particulier Un léger passage à vide (Au diable vauvert) vendu à plus de 100.000 exemplaires. Prix de Flore en l'an 2000 pour son second roman Mémoire courte, il s'est depuis affirmé comme l'un des stylistes les plus doués de sa génération. Ses romans sont réédités en poche chez J'ai lu, et trois sont en cours d'adaptation cinématographique. Chroniqueur brillant et charismatique, il a participé à de nombreuses émissions radio et télévisées et collabore à de nombreux magazines. Il est depuis 2009 chroniqueur sur France Inter dans l'émission Comme on nous parle de Pascale Clark.

Extrait
R comme répertoire

Homme, 40 ans, recherche sommeil, équilibre, tennis une fois par semaine et antibiotique de troisième génération contre l'angine blanche. Ce n'est pas que tu sois dépressif, non, ce n'est pas ça. Le matin, tu arrives encore à te raser, à prendre une douche, c'est juste que chaque chose te donne envie de pleurer. On t'annonce une naissance, tu sanglotes. On te raconte un voyage au Népal, tu te décomposes. On te propose un week-end en Bourgogne, tu vomis l'ensemble de ton petit déjeuner. Ton répertoire, par exemple, ton répertoire téléphonique. C'est un cahier et il te donne envie de chialer. Une envie pas croyable.
Ce n'est pas la décrépitude de l'objet, ce n'est pas seulement ça. Ce sont les noms au début des pages, par exemple. Les premiers noms, les amis d'enfance, la famille, le numéro de téléphone d'un hôtel dans lequel tu n'iras plus. Un répertoire téléphonique. Jette un oeil là-dessus, petit gars, c'est plus sanglant qu'un album photo.
Pourquoi, déjà, me suis-je fâché avec ce type ? C'était un type bien, un type capable d'égorger un chat pour de bonnes raisons. Pourquoi n'ai-je pas décidé de faire ma vie avec cette étudiante en médecine ? Qu'est-elle devenue, au juste ? Mariée avec un chirurgien ? Aime-t-elle toujours autant les Kinder Surprise, les balades à vélo hollandais et les Smashing Pumpkins ?
À chaque page du répertoire, un fantôme, un sourire oublié, un accident de voiture, une folle nuit, un cancer, une femme rencontrée dans un train, une overdose, une parenthèse, huit fois le prénom Florence et une seule fois celui de Coralie. Tu avais appuyé fort sur la pointe du marqueur en te disant : «Au moins, Coralie, elle restera.»

Zurban, 2000

La hauteur des plafonds

On ne fait pas assez gaffe à la hauteur des plafonds. La hauteur d'un plafond, c'est important. Un plafond haut facilite la qualité des sentiments. Voilà pourquoi on s'aime beaucoup dans les palaces. À la belle étoile aussi. Le problème demeure que l'inverse est aussi vrai. Les garçonnières, par exemple. Les chambres de bonne, les mezzanines. Pas mal non plus. N'empêche. Dans un palace, il existe autre chose. Comme un air de déjà-vu, un supplément de pourriture, un mélange de fric et de tristesse, de beauté qui se trouve à jamais derrière soi. Une femme riche dans un palace. Pas une bourgeoise. Jamais de bourgeoise dans les palaces. Dans les palaces, les bourgeoises n'existent pas. Les bourgeoises se cachent dans le Lubéron pour mourir bronzées. Mais la femme riche, seule, 50 ans, avec une margarita en face d'elle, dans le bar chic d'un palace, cette femme rêve qu'on mise sur elle une dernière fois, les yeux dans le vague, la mémoire en pose sur la petite musique de son passé.
Le travail d'escort boy devrait être pris en charge par la Sécurité sociale. L'escort boy aime son métier. C'est un travail important qui demande bien de la délicatesse, de l'abnégation et de l'imaginaire aussi. Un escort boy est un artisan du cul. Chacun de ses cunnilingus est fait maison, avec sa bouche et pour finir avec le secret du chef.

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