Auteur: Loïc Merle
Titre Original: L’esprit de l’ivresse
Date de Parution : 21 août 2013
Éditeur : Actes Sud
Nombre de pages : 288
Prix : 21,50€ 20,43
Quatrième de couverture : Un homme rentre chez lui, fatigué, usé par l’âge
et les regrets. La nuit va tomber, les Iris, sa banlieue parisienne, se
dressent dans le crépuscule entre épreuve et destination. Ce trajet familier,
Youssef Chalaoui pressent confusément qu’il lui sera fatal. Mais il en ignorera
l’impact profond, irrévocable, sur le quartier, ses habitants, le pays. Cette
nuit-là, au terme d’un long et hésitant et macabre ballet, la périphérie
s’enflamme. Et bientôt, la France entière bascule.
Dans L’Esprit de l’ivresse, la révolution est traitée hors champ ; comme
les bouleversements organiques du grand corps malade de la société
contemporaine. Chorégraphique et musical, le roman procède par mouvements
amples. À la course désordonnée et assoiffée de liberté de Clara S., l’égérie
malgré elle, répond la fuite ouatée du Président Henri Dumont, bloc de
souffrances et d’indécision. Chacun cherche en lui-même un élan radical, un feu
qui brûle jusqu’aux lendemains, un ressort contre l’impuissance dérisoire et
l’acharnement magnifique que recouvre l’idée de destin.
C’est par les corps individuels que Loïc Merle pénètre et explore la
chair collective d’une Grande Révolte imaginaire dont la proximité plausible
(inévitable ?) saisit le lecteur. Par les corps que s’exprime le besoin
désespéré d’être ensemble et d’être plusieurs, face à l’engrenage du réel – et
de la realpolitik – qui broie les êtres et les âmes, atrophie les esprits,
avorte la notion même d’avenir.
Cette nuit des hommes, l’auteur la dessine d’une phrase riche et
lumineuse, légèrement étourdie, comme exactement ivre. Car, semble-t-il nous
dire, de vital et de salvateur, ne nous restera-t-il bientôt plus que l’esprit
de l’ivresse ? C’est une des questions cruciales qui traversent ce premier
roman d’une ampleur et d’une ambition rares.
«J’ai voulu parler de mes vingt ans où tout
semblait possible, et qui fut pourtant la période la plus triste de ma vie… De
ce temps perdu dans les bars, sans réelle passion et sans travail… Et j’étais
un mauvais poète… Je voulais rendre hommage aux gens qui ont partagé mon état
de perdition et ont disparu depuis, j’avais l’impression qu’une génération
entière avait sombré avec eux, dans un tourbillon, dans des remous dont
l’Histoire se moquait… J’ai voulu parler de l’esprit de ma jeunesse, sans
ironie, en affirmant quelque chose…
L’ivresse qui m’a intéressé est un moyen, un
véhicule, c’est l’ivresse des petites gens, patiente, répétée, sans but,
quotidienne, embarrassée d’être jugée, ivresse qui n’a même pas besoin d’alcool
ni de drogue, ivresse de l’homme qui attend, ivresse du flâneur, et de la femme
qui se transforme et ne sait comment atténuer les douleurs de cette
transformation – ivresse qui est comme un sillon suivi, et, à force, bouleverse
toute l’attitude, en bien, en mal, qui « emplit le premier venu de la force des
événements », disait Victor Hugo…
J’ai imaginé les conséquences que pourraient
avoir en France des émeutes de grande ampleur si elles débouchaient sur une
révolte généralisée, pendant laquelle quelques personnages apprennent de leur
ivresse ou de celle des autres, tentent de se délivrer de leurs addictions pour
en acquérir d’autres, meilleures, en tout cas plus conformes aux temps nouveaux
qu’ils entrevoient, cernés par de grandes limites : l’attachement à leurs
origines, le rôle qu’ils ont tenu pendant toute leur vie ; la mort ; la
fidélité à leurs convictions, à la révolte, à la contre-révolte ; la mort.
Je crois que mon roman essaie d’être honnêtement
ivre…»
L.M