Les Expats, Chris Pavone


Auteur: Chris Pavone
Titre Original: The Expats
Date de Parution : 15 novembre 2012
Éditeur : Fleuve Noir
Nombre de pages : 496
Prix : 20,00€ 19,00€

Quatrième de couverture : Connaissons-nous vraiment les personnes qui partagent notre vie ?

Cette question, Kate se la pose souvent, elle qui n'a jamais révélé à son mari Dexter qu'elle travaillait pour la CIA. Quand celui-ci est muté au Luxembourg, Kate est ravie. En quittant Washington, elle va enfin pouvoir raccrocher son tablier d'agent, prendre un nouveau départ avec sa famille.

Mais une fois intégrée dans le milieu très cosmopolite des expatriés, kate sent rapidement que quelque chose ne tourne pas rond. Pourquoi Dexter est-il si évasif sur son nouveau poste, et qui sont réellement Julia et Bill, ce couple d'Américains qui cherchent leur amitié de façon si appuyée ?

Paranoïa ou instinct ? En tout cas, Kate est certaine d'une chose : si elle a pu garder tant de secrets si longtemps, n'importe qui peut mener une double vie...

Extrait
Prélude

Aujourd'hui, 10 h 52, Paris

- Kate ?
Kate contemple une vitrine remplie d'oreillers, de nappes et de rideaux, le tout dans un camaïeu de taupe, chocolat et vert mousse qui remplace les tons pastel de la semaine précédente. D'un seul coup, on a changé de saison.
Elle se retourne et observe la femme plantée devant elle sur le trottoir de l'étroite rue Jacob. Qui est-ce ?
- Mon Dieu, Kate ? Je ne rêve pas ?
Le timbre est familier, mais elle aurait besoin d'autres indices.
Elle a oublié ce qu'elle recherche sans enthousiasme. Quelque chose en tissu. Des rideaux pour la salle de bains des invités ? Une babiole futile, en tout cas.
D'un geste protecteur, elle resserre la ceinture de son trench-coat. Ce matin, il pleuvait quand elle a déposé les enfants en classe, des nappes de brouillard s'élevaient de la Seine et ses bottes en cuir claquaient sur les pavés mouillés. Elle porte toujours son imperméable poids plume, un exemplaire du Herald Tribune dépassant de sa poche. La grille de mots croisés, elle l'a déjà remplie au café près de l'école où, souvent, elle prend son petit déjeuner avec d'autres mères expatriées.
Cette femme-là n'en fait pas partie.
Cette femme porte des lunettes de soleil qui lui mangent la moitié du front, le haut des joues et le pourtour des yeux. Impossible de l'identifier à coup sûr sous cette couche de plastique noir et de logos dorés ! Ses cheveux courts, châtains, sévèrement plaqués le long du crâne sont retenus par un bandeau de soie. Elle est grande, svelte, mais sa poitrine et ses hanches affichent des courbes voluptueuses. Son bronzage est très naturel, comme si elle passait beaucoup de temps dehors, à jouer au tennis ou à jardiner. Rien à voir avec le teint caramel brûlé que tant de Françaises affectionnent à force de rôtir sous les lampes fluorescentes des cabines UV en forme de cercueils.
Même sans jodhpur ni veste de concours, elle semble tout droit sortie d'un club d'équitation. Kate reconnaît la jaquette écossaise repérée dans la vitrine d'une boutique très chère du quartier. Encore une enseigne qui a remplacé une charmante librairie et qui, au grand dam des riverains, continue d'enterrer le prestigieux faubourg Saint-Germain cher à leur coeur. En fait, le succès de la librairie relevait surtout de l'abstraction. La plupart du temps, il n'y avait pas un chat, alors qu'aujourd'hui le nouveau magasin ne désemplit pas, non seulement grâce aux Texanes désoeuvrées, aux hommes d'affaires japonais et aux bandits russes prêts à payer cash - en jolies liasses de billets fraîchement blanchis - un monceau de chemises, d'écharpes et de sacs à main, mais aussi grâce aux riches habitants du quartier. Il n'en existe pas de pauvres.
Cette femme-là ? Elle laisse entrevoir des dents bien alignées d'une blancheur éblouissante. Toutefois, malgré une voix et un sourire familiers, Kate a encore besoin de distinguer ses yeux pour corroborer son terrible soupçon.