A la santé du feu, Dorothée Werner


Auteur: Dorothée Werner
Titre Original: A la santé du feu
Date de Parution : 16 janvier 2013
Éditeur : JC Lattès
Nombre de pages : 220
Prix : 17,00€ 16,15€

Quatrième de couverture : Comment vivre avec une bombe à retardement sous la peau ?

« Laissez-vous faire deux secondes, fermez les yeux, imaginez qu un jour on vous apprend une catastrophe. Pensez à une scène précise, une heure de la journée, une lumière, une ambiance. Quelle est la différence entre la minute juste avant et celle juste après ? Vous êtes assis dans le même fauteuil, buvant le même thé dans la même maison, vous vous mouvez dans le même corps, vous n en souffrez pas plus que ce matin, pas moins non plus, tout est profondément familier, le soleil finit par décliner comme chaque jour, rien n a donc changé. Et pourtant si.»

Une fille passe un examen médical et paf, suspicion. Mais pas sûr. Elle a déjà connu d autres tempêtes sous la peau, mais ce jour-là fini de rire. Pour savoir ce que lui réserve son destin, il va falloir attendre. Attendre, la vache. Attendre un nouvel examen qui confirmera la catastrophe, ou bien qui l annulera. Dans quarante jours, la biologie tranchera.
Ce livre est le journal, écrit à la première personne, de ce suspens existentiel, de ces quarante jours âpres et rugueux. La chronique d un espoir fou, la rage et l amour mêlés. Une enquête aussi, un pistolet sur la tempe, sur le pourquoi du comment, parce qu’il s agit de trouver une issue, et fissa.

Un récit aussi poignant qu’urgent sur l attente et la solitude existentielle.

Le 1er jour

Je meurs peut-être bientôt. Au prochain rendez-vous, le médecin l'annoncera-t-il d'un air gêné ? Il prendra des pincettes, bouche tordue, il pèsera laborieusement chaque mot, te donne pas tout ce mal, vieux, je comprendrai au quart de tour : catastrophe intergalactique, sortie de route définitive, tragédie banale, chagrin et rideau. Mais pas sûr. Alors, je serais tout ouïe et plus que ouïe, j'agripperais ma chance fissa et je me faufilerais entre les griffes du mal sans demander mon reste.
Vivre dans l'ombre du pire, je pensais avoir fait le tour. Déjà vaincue par la tempête sous la peau et jusqu'ici debout. Mais le passé est toujours imprévisible, jamais il ne passe vraiment, et ce matin paf : examen de contrôle, grain de sable et menace de l'ultime apocalypse. Mon destin tire un grand coup sur sa laisse. Chaque fois la mort se rapproche plus, chaque fois elle ramène plus près sa fraise, soufflant dans mes bronches son haleine dégueulasse. À force, sans le vouloir vraiment, sans le vouloir jamais, on s'éloigne du sentier réparable de la tuile pour s'enfoncer dans un sous-bois définitif, s'y embourber pour toujours, et ça sent la fin assurée. Est-ce cela qui m'arrive ?

Tout commence là où tout finit, à l'hôpital. Examen ordinaire tôt ce matin, l'un de ces moments qui jalonnent la vie clandestine des rescapés du mal dans le sang. Des instants incertains où, seul au monde dans une clairière tapissée de bruyère, chacun, le coeur tambourinant, lance en l'air les dés de son existence pour voir s'il lui reste un peu à vivre.
Lors de l'entretien qui suit les manipulations techniques, tout de suite j'ai repéré, tout de suite avant même un regard, avant un geste, encore moins un mot, à l'instant même et directement sous ma peau, dans mon ventre, la gêne, le souci, le oui mais. Perplexité embarrassée des blouses blanches. Très légères, insondables moues. Puis, dans un deuxième temps, les formules de circonstance. «Je ne vous cache pas que. Tache suspecte. Image ambiguë. Impossible de définir la teneur de cette chose avec certitude.»
J'ai aussitôt dégainé : «Récidive ?» Holà, pas de gros mots Mademoiselle, toujours on me dit Mademoiselle, mais de quoi a l'air une Mademoiselle en train de mourir ? «Non, vraiment, on ne peut pas l'affirmer, rien n'est encore sûr et certain car l'hypothèse virale est très forte.» Pardon ? «L'hypothèse virale est encore possible, Mademoiselle. Un virus, quoi, un simple virus qui marquerait les clichés, rien de plus.» Ah bon, mais de quoi, coeur en vrille, ah bon, un virus, c'est possible un truc pareil, mais dans quelle proportion ? «Cinquante, cinquante. Soit on panique et on attaque directement, à l'aveugle, soit on prend le risque d'un traitement de cheval pendant quelque temps, et on re-check plus tard afin d'être fixé avec certitude. C'est à votre médecin de prendre la décision.»
(...)