Quel effet bizarre faites-vous sur mon cœur, Christine Orban

Auteur: Christine Orban
Titre Original: Quel effet bizarre faites-vous sur mon cœur
Date de Parution : 7 mai 2014
Éditeur : Albin Michel
Nombre de page : 200
Prix : 19,00€ 18,05€

Quatrième de couverture : Quelques années après sa répudiation, Joséphine la femme volage et dépensière pour certains, la bonne étoile de Bonaparte pour d'autres, blessée, humiliée, prisonnière du tourbillon dans lequel la douleur la tient, se décide à lui écrire alors qu'il est exilé à l'île d'Elbe.
Entre culpabilité et force d'âme, Joséphine se demande comment ils en sont arrivés là et retrace les épisodes les plus déchirants de leur histoire. Un destin commun interrompu un soir aux Palais des Tuileries lors d'un dîner en tête à tête, quand Bonaparte au nom de la raison d'état s'oblige à renoncer à ses plus chères affections.

Extrait
Enfin une lettre de toi, retenu à l'île d'Elbe. Comment est-ce possible ? Je n'aurais jamais imaginé qu'un jour tu serais exilé et moi répudiée. Que de douleurs nous avons traversées pour en arriver là.
On me connaît mal, dis-tu dans ta lettre. Tu te prépares à substituer ta plume à l'épée, voilà presque une bonne nouvelle. Puisque nous devons être jugés, soyons-le pour ce que nous sommes. Moi, je n'ai pas de comptes à rendre à l'Histoire. À toi seulement. C'est pourquoi j'entreprends de t'écrire. De te raconter ma vie depuis ce funeste dîner où tu décidas de la séparer de la tienne.
On me disait lascive, infidèle, dépensière, futile, seule la méchanceté ne m'a pas été imputée. La bonté a-t-elle si mauvaise réputation pour qu'on daigne me l'accorder ?
Mais qu'importent dans les circonstances d'aujourd'hui les médisances d'hier ! J'ai parfois vécu dans le mensonge. Mourir dans la vérité est le moins que je puisse faire.
J'aurais dû subir le sort de Marie-Antoinette et celui de mon mari Alexandre de Beauharnais. Tu ne devrais jamais oublier que j'ai entendu avec effroi mon nom prononcé par les bourreaux, parmi d'autres condamnées.
Quand votre gorge a manqué être tranchée pour une particule, il est difficile de garder le sens commun. Rien n'est plus comme avant. Je ne suis pas une femme comme les autres, je suis une femme accidentée. Quand te parviendront ces quelques feuilles, tu ne devras pas te souvenir de moi selon les critères d'une épouse normale. La vie m'a blessée. Mes lésions n'ont pas été visibles de l'extérieur comme celles de tes soldats. Mes blessures n'ont pas saigné. Même le sang des femmes ne s'écoule plus de mon corps depuis l'approche de l'échafaud. Il est probable que je ne puis avoir d'enfant depuis cet instant.
Quand mon heure viendra, j'aurai moins à perdre, une partie de moi est restée à la prison des Carmes. Une partie de moi est morte, même si je suis passée à côté de la lame. C'est la morte en moi qui n'a peur de rien, ni de la rumeur ni des lois. La morte se fiche des vivants et de leurs conventions, la morte piétine, saccage, se moque, ravage.
Bonaparte, sais-tu que tu as épousé une moitié de femme ? Tu as aimé une moitié et détesté l'autre. Moi aussi.
Tu triomphais des vivants, mais capitulais devant la défunte. Josèphe Rose emporta Joséphine, tu fus impuissant à l'arrêter.