Bon rétablissement, Marie-Sabine Roger


Titre Original: Bon rétablissement
Date de Parution : 1 avril 2015
Éditeur : Babel
ISBN: 978-2330028657
Nombre de pages : 208
Prix : 7,80 €


Quatrième de couverture : Sauvé d'une chute dans la Seine, un sexagénaire misanthrope se retrouve immobilisé sur un lit d'hôpital pendant un mois et demi - le temps pour lui de revisiter sa vie, ses bons et mauvais côtés, et surtout de rencontrer des personnes inattendues, lui qui n'espérait plus beaucoup de surprises de l'existence… Bon rétablissement a été adapté au cinéma par Jean Becker en septembre 2014 avec Gérard Lanvin, Jean-Pierre Darroussin et Fred Testot.

Extrait
Sans me vanter, vers les six ou sept ans, j'avais déjà tâté pas mal de choses, pour ce qui est des délits interdits par la loi. Vol à l'arraché, viol, extorsion de fonds...
Question viol, j'avais roulé une pelle à Marie-José Blanc. Elle serrait les dents, je n'étais pas allé loin. C'est l'intention qui compte.
Le vol à l'arraché, c'était le samedi après le match de rugby : je taxais le goûter des plus petits que moi. Je les baffais, peinard, au chaud dans les vestiaires. J'en épargnais un, quelquefois. J'ai un côté Robin des Bois.
Pour l'extorsion, demandez à mon frère. Il me citait toujours comme exemple pourri à ses gamins, quand ils étaient petits, Devenez pas comme votre oncle, ou vous aurez affaire à moi. Pour ma défense, je dirais que s'il n'avait rien eu à se reprocher, il n'aurait pas raqué toute sa tirelire. Pour faire chanter les gens, il faut une partition.

On m'appelait «la Terreur». Je trouvais ça génial.
Je me sentais promis à un grand avenir.

À l'époque, dans la maison, on était cinq et des poussières : mes parents, mon frangin et moi, pépé Jean, feu mémé Ginou.
Mes grands-parents paternels étaient morts bêtement, lorsque mon père avait huit ans, pour un refus de priorité causé par ma grand-mère, qui ne voyait pas trop l'utilité des stops.
Mon père avait été élevé par ses grands-parents du côté de sa mère : pépé Jean, encore très présent à l'époque dont je vous parle, et feu mémé Ginou, dans son urne, au garage.
J'avais du mal à me représenter ce qu'il avait pu ressentir, en rentrant de l'école, le jour de l'accident, lorsqu'il avait compris que ses parents n'allaient pas revenir. Sur le moment, il s'était peut-être dit qu'il pourrait enfin vivre en toute liberté : plus de claquage de beignet à la moindre bêtise. Tranquille.
Tranquille, oui.
Mais à l'entendre parler de ses années d'enfance, je sentais bien que certaines tranquillités foutent une vie en l'air plus sûrement que pas mal de contraintes. Du coup, ça ne me tentait pas, devenir orphelin. Je tenais à mes parents, même si c'était des parents, avec tous les défauts que ça peut sous-entendre, question autorité et interdictions. Je tenais à mon père, surtout. Je le trouvais balèze, pas seulement pour ses biceps plus épais que des cuisses. Il était fort, vraiment. Droit planté dans ses bottes. Riche de convictions, à défaut d'autre chose. Un gueulard, un sanguin, mais qui trempait ses mouchoirs aux mariages, aux baptêmes, appelait ma mère Mon p'tit bouchon d'amour, en se foutant pas mal du ridicule, et n'avait jamais peur de lui dire Je t'aime.

L'homme que j'aurais sûrement bien aimé devenir.